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Mali : désertion des catholiques au nord, renouveau au centre

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Au nord du Mali, l’insécurité demeure. Les catholiques qui ont fui en 2012, ne peuvent rentrer. Au centre, leur nombre grandit de manière exponentielle. L’AED interviewe le père Germain Arama, économe diocésain à Mopti.

Father Germain Arama, economist of the diocese of Mopti in Mali, visiting ACN International office in Königstein, 21th April 2016.

AED : Dans votre pays principalement musulman, agité par les rébellions touaregs, qu’est devenue la menace djihadiste?

Père Germain : Il y a 2 sortes de djihadistes : ceux qui se mêlent aux rebelles pour obtenir l’indépendance de l’Azawad [nord du pays] et ceux qui veulent un Mali 100% musulman. D’ailleurs ils ne s’entendaient pas.

Où sont passés les pro-charia?

Ils ont été repoussés. Quelques uns sont morts, d’autres, on ne sait pas. Ils ont dû se cacher, fuir vers la Mauritanie, l’Algérie, ça et là. Mais il faut reconnaître que certains sont encore parmi nous. Certains sont même originaires de nos villages. Voilà pourquoi on remarque encore des attentats, des kamikazes.

Au nord-Mali, reste-t-il des catholiques?

Le peu qui reste sont des expatriés : Casques Bleus, Togolais, Ivoiriens, militaires de France, de la Minusma. Les autres sont partis. Il y avait des Missionnaires d’Afrique à Gao et des religieuses mais ils ont carrément quitté le Mali ou résident à Bamako.

Aucun Malien catholique ne vit au nord ?

Si. Ceux qui travaillent dans l’administration ou les enseignants (comme à l’école Sainte Geneviève de Gao). Mais ils sont peu nombreux. Ils travaillent là par nécessité, pour gagner le pain quotidien.

L’Église ne s’est réinstallée ni à Gao, ni à Tombouctou. Vous confirmez qu’il n’y a pas de résidence de prêtre au nord ?

C’est vrai. La situation reste difficile dans ces régions, avec les kamikazes. Quand tu pars travailler le matin… vas-tu rentrer chez toi le soir? Personne ne maîtrise. Chrétien ou pas, on peut tous être frappé par le même bâton. Au nord, toute pastorale est en stand by. Le seul prêtre qui y célèbre de temps en temps vient soit en avion, encadré par des militaires, soit en voiture et il lui faut alors une journée de route.

Qu’en est-il de votre diocèse, à Mopti (centre du pays)?

Mali/Mopti 09/74 Co-financing of the construction of the church of Ezé, parish of Bandiagara

Paroisse de Bandigara – diocèse de Mopti

Il existe une progression considérable du nombre de catholiques et des sacrements donnés. Rien que pour 2015 : 1400 baptêmes, 674 confirmations, presque autant de premières communions, 140 mariages alors que, pour vous donner un ordre d’idée, on ne recensait en 2012 que 600 à 700 baptêmes!

Comment expliquer cette croissance?

Un jour, une paroisse aidait à creuser des puits dans un village. Quand la population a réalisé qui était à l’œuvre, le chef animiste s’est convertit au catholicisme avec toute sa famille : 10 personnes. De nombreuses conversions s’opèrent dans le sens : religion traditionnelle – catholicisme. En voyant ce que font les chrétiens pour les autres, les gens sont convaincus que c’est la bonne voie.

La hausse du nombre des catholiques à Mopti n’est-elle pas une conséquence de la fuite des chrétiens du nord vers le sud? En clair, a-t-on déshabillé Paul pour habiller Pierre ?

Je ne pense pas. Les chrétiens du nord qui ont fui vers chez nous n’étaient pas nombreux : 5 ou 6 à Kidal ; 20 à Tombouctou ; 100 à 200 pour Gao. En plus, ils étaient déjà baptisés. Alors, oui, ils sont venus gonfler un peu le nombre des chrétiens de notre diocèse, mais pas celui des baptisés.

Le nombre des prêtres grandit-il proportionnellement au nombre de baptisés ?

MALI / MOPTI 15/00103 Seminarians formation Mopti 2014-2015: One of the seminarians with his books

Séminariste de Mopti

Proportionnellement, on ne peut pas dire ça mais, dans mon diocèse, on compte à peu près 30 prêtres dont 5 jeunes ordonnés l’année dernière et, si tout va bien, 4 nouveaux pour les 2 années à venir. Et au grand séminaire, ils sont 8. Malheureusement, il y a encore du travail dans certaines régions ; des zones où il n’y a que 4 prêtres pour 250 paroisses ou chapelles-églises !

Quels sont les besoins spécifiques de votre diocèse ?

Déjà, nous comptons beaucoup sur vos prières. Nous avons aussi des besoins matériels. En tout, sur nos 7 paroisses, chacune parle sa langue… On vient d’inaugurer une nouvelle paroisse qui ne dispose pas encore de bureaux. On a besoin de formations. Dans certains villages, il y a 4-5 mosquées magnifiques et nous, les catholiques, sommes dans une sorte de hangar. On a aussi besoin que des congrégations de religieuses viennent nous aider dans la pastorale et pour cela, il faut que nous puissions les loger.

Quels sont les principaux défis à relever pour l’Église catholique aujourd’hui ?

La réconciliation. Les chrétiens ont perdu des parents. Les musulmans aussi ont perdu qui un oncle, qui un frère. Il y a eu tellement de complots ! Il faudrait que les gens acceptent vraiment de se réconcilier. Et si nous, chrétiens, nous voulons une paix durable, il faut que nous passions par cette réconciliation. C’est inévitable.

Propos recueillis par Emmanuelle Ollivry

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